Julien Green, Derniers beaux jours, 1935-1939, Ed. Plon, pp. 9-11, 1939, Parigi, Francia.
18 avril.- Jeudi saint. A Saint-Pierre, pour voir laver l’autel. Cette cérémonie attire beaucoup de monde et nous sommes entrés avec difficulté. Autour de nous, on parle à tue-tête. Dans un coin de la basilique, une file interminable de fidèles passe sous la longue férule d’un chanoine à moitié évanoui de fatigue: c’est un gros vieillard pâle, vêtu de moire pourpre et d’hermine; sa main laisse à un geste incertain pour incliner cette férule pénitentielle sur la tête de tant de monde. Il ressemble, sur son trône, à un fonctionnaire romain dans une fresque de Piero della Francesca. Cependant les cierges s’éteignent et le dernier psaume s’achève. La foule reflue vers le grand autel Baroque du Bernin. Énorme brouhaha. Les fidèles bavardent joyeusement; les chants voyagent d’un point a l’autre de la basilique, se répondent, s’appellent de nouveau et semblent se chercher comme des aveugles. On verse de l’eau sur l’autel, après q’un bruit de tonnerre a annoncé que le Christ vient d’être appréhendé. Le clergé se dirige alors vers le maître-autel. Trois évêques d’abord, puis le cardinal Pacelli essuient la pierre de l’autel avec des bouchons de paille fixés à des gaulettes. Suivent d’autres prélats (parmi eux un parent du roi de Saxe), chanoines et bénéficiaires, enfin les enfants de choeur, qui n’intéressent personne.[…] Le cardinal passe a cet instant. Il est d’une dignité admirable, avec des grands yeux fixes et un rien de strabisme dans le regard. J’ai à peine le temps de le reconnaître car il marche vite et disparaît presque aussitôt. Derrière une rangée de cierges allumés, un prêtre installé dans une tribune montre à la foule le voile de sainte Véronique et la Sainte Épine. Tout près de moi, un jeune ecclésiastique prie, les yeux fermés, la figure exsangue, assez semblable au portrait de saint Benoît Labre que j’ai vu, la vieille, au palais Corsini. […] Je sors et me retrouve sous la colonnade du Bernin, à la fois ébloui et déçu. Mais qu’attendais-je? Espérais-je que le ciel s’ouvrirait?
Testo in italiano |
Segnalato da Raffaele Carbone
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