Paul Claudel, lettre à Monsieur Gerard Cordonnier, in Toi qui es-tu?, Egloff, pp. 11-15, 1936, Parigi, Francia.
18 agosto 1935
[…] Je me reporte par la pensée à cette sinistre période qui va de 1890 à 1910, où s’est écoulée ma jeunesse et mon âge mûr, période de matérialisme et de scepticisme agressifs et triomphants et que domine la figure d’Ernest Renan. Que d’efforts alors pour obscurcir la divinité du Christ, pour voiler ce visage insoutenable, pour aplatir le fait chrétien, pour en effacer les contours sous les bandelettes entrecroisées de l’érudition et du doute ! L’Evangile mis en petits morceaux ne constituait plus qu’un amas de matériaux incohérents et suspects où chaque amateur allait rechercher les éléments d’une construction aussi prétentieuse que provisoire.
La figure de Jésus était noyée jusqu’à disparaître dans un brouillard de Littérature historique, mystagogique et romanesque. Enfin, on avait réussi ! Jésus-Christ, ce n’était plus qu’un pâle contour, quelques linéaments fluides et tout prêts à s’effacer. Madeleine pouvait maintenant aller au tombeau. On lui avait enlevé son Seigneur.
Et voilà qu’après les siècles écoulés l’image oblitérée reparaît tout à coup sur le tissu avec une véracité épouvantable, avec l’authenticité, non plus seulement d’un document irréfragable, mais d’un fait actuel. L’intervalle des dix-neuf siècles est anéanti d’un seul coup. Le passé est transféré dans l’immédiat.
« Ce que nos yeux ont vu, dit saint Jean, ce que nous avons à loisir considéré, ce que nos mains ont manié du Verbe de vie ». Ce n’est pas seulement une pièce officielle, comme serait, par exemple, un procès-verbal, une grosse de jugement dûment signée et paraphée : c’est un décalque, c’est une image portant avec elle sa propre caution.
Plus qu’une image, c’est une présence ! Plus qu’une présence, c’est une photographie, quelque chose d’imprimé et d’inaltérable. Et plus qu’une photographie, c’est un « négatif » c’est-à-dire une activité cachée (un peu comme la Sainte Ecriture elle-même, prendrai-je la liberté de suggérer) et capable sous l’objectif de réaliser en positif une évidence ! Tout à coup, en 1898, après Strauss, après Renan, au temps même de Loisy, et comme un couronnement de ce travail prodigieux de fouille et d’exégèse réalisé par le siècle qui va finir, nous sommes en possession de la photographie du Christ ! Comme cela !
C’est Lui ! C’est Son visage ! Ce visage que tant de saints et de prophètes ont été consumés du désir de contempler, suivant cette parole du psaume : « Ma face T’a recherché : Seigneur, je rechercherai ta Face ». Il est à nous ! Dès cette vie, il nous est permis tant que nous voulons de considérer le Fils de Dieu face à face ! Car une photographie, ce n’est pas un portrait fait de main d’homme. Entre ce visage et nous il n’y a pas eu d’intermédiaire humain. C’est lui matériellement qui a imprégné cette plaque, et c’est cette plaque à son tour qui vient prendre possession de notre esprit.
[…]
Il y a dans ces yeux fermés, dans cette figure définitive et comme empreinte d’éternité, quelque chose de destructeur. Comme un coup d’épée en plein cœur qui apporte la mort, elle apporte la conscience. Quelque chose de si horrible et de si beau qu’il n’y a moyen de lui échapper que par l’adoration.
[…]
Qui nierait qu’entre le ressuscité de 1898 et le personnage dont les quatre Evangiles relatent les faits, gestes et discours, il y a la même convenance incontestable ? Cet aveu va bien loin. Le document écrit et le document graphique s’adaptent, ils collent parfaitement ensemble. Nous sentons que nous avons devant nous un original dont toutes les interprétations par le fait de l’art n’ont que la valeur, sincère sans doute mais combien partiale et maladroite, des travaux de seconde main. Le Christ de Conci, celui de Dürer et de Rembrandt va avec certaines parties de l’Evangile, mais celui-ci va avec toutes. Bien plus, il les domine.
Testo in italiano |
Wordpress is loading infos from clicart
Please wait for API server guteurls.de to collect data fromwww.clicart.it/giacomo/Displa...